Showgirls : Elizabeth Berkley, blonde on blonde

par

D’elle, on ne sait pas grand-chose. Elle, c’est Elizabeth Berkley, star de l’incontournable Showgirls (1995) de Paul Verhoeven. Un film où elle Nomi, personnage tapageur se substituant presque à son identité. Et pour cause, cette œuvre maudite connaîtra  un échec commercial – mais surtout critique – à sa sortie en salles, flop monumental qui aura raison de la carrière de l’actrice, figeant pour l’éternité son image de blonde incandescente avide de célébrité.

Quand Paul Verhoeven remarque Elizabeth Berkley pour jouer dans son prochain film après Basic Instinct (1992), la carrière de l’actrice n’a pas encore véritablement pris de l’ampleur : du mannequinat, quelques rôles sur petit écran (Sauvés par le gong). Cependant son visage reste assez inconnu du grand public, en tout cas suffisamment pour se fondre complètement dans la peau de Nomi Malone, une jeune femme en quête de gloire qui prend ses quartiers à Las Vegas et y tente peu à peu de gravir les échelons du showbusiness local. Elle joue alors cette danseuse qui rentre dans une troupe renommée de la ville et connaîtra les excès qui vont avec : la drogue, la violence, le sexe et surtout la recherche de pouvoir et de reconnaissance à tout prix.

POUR LE PIRE ET POUR LE MEILLEUR

Alors qu’il est censé propulser Elizabeth Berkley sur le devant de la scène, Showgirls connaît un échec cuisant à sa sortie. Un échec commercial d’abord car le film ne rapporte que 20 millions de dollars, soit 25 millions de moins que le budget de production. Mais aussi et surtout un échec critique, le long-métrage de Paul Verhoeven étant pratiquement jugé à l’unanimité comme étant trop vulgaire, outrageux et obscène. Pire encore, il rafle la mise aux Razzie Awards, décrocahnt les titres de « pire film », « pire scénario », « pire réalisateur »… Et de « pire actrice ». On condamne notamment le jeu trop exagéré de l’actrice, une exagération voulue par le réalisateur lui-même qui a poussé Elizabeth Berkley a joué son rôle avec une intensité rare.

Si Paul Verhoeven a déjà une carrière derrière-lui (Basic Instinct, Total Recall), ce n’est pas le cas pour Elizabeth Berkley qui fait ses débuts sur grand écran grâce à Showgirls. Mais à peine sortie de son cocon, la jeune débutante voit déjà ses rêves de gloire s’envoler. Elle ne jouera désormais que pour la télévision (Les Experts Miami, The L Word) ou dans des rôles de seconde zone au cinéma où l’on notera des passages furtifs chez Oliver Stone (L’enfer du dimanche, 1999) et Woody Allen (Le sortilège du scorpion de jade, 2001). Des années après Showgirls, Berkley confiera : « Faire ce film a été l’expérience la plus extraordinaire qui soit. Quand un rêve devient réalité, c’est au-delà de tout espoir. C’est pourquoi, quand le film est  sorti, cela a été encore plus douloureux que tout ce que vous pouvez imaginer. »

En 2019, le cinéaste Jeffrey McHale revient sur la genèse et l’accueil réservé à Showgirls dans son documentaire You Don’t Nomi. Il y parle bien évidemment de la mauvaise presse autour du film et de la réaction virulente du public mais aussi de la réhabilitation du long-métrage et de sa « seconde vie » après la polémique. Une réhabilitation qui s’est effectué, selon un article du Guardian, près d’une dizaine d’années après la sortie du film grâce à un article fourni du magazine Film Quarterly. Le papier en question, datant de 2003, souligne les qualités artistiques indéniables du film mais aussi et surtout sa capacité à aborder des sujets comme le genre, l’inégalité entre les classes sociales… Est-ce pour cette raison que Showgirls conserve sa pertinence ?  C’est aussi à travers la figure d’Elizabeth Berkley et de ses apparitions dans divers talk-shows pour parler du film qu’on comprend comment celui-ci a malgré tout traversé les âges pour atteindre son public. Mais il ne faut pas s’y méprendre – et le documentaire le suggère bien – il y a des dizaines de façons d’analyser le film, et le réduire à une simple farce serait une offense aux multiples facettes du long-métrage qui nous parle aussi bien de rivalité et de solidarité féminine que du mirage de l’american dream.

A la production : Alan Marshalll, Charles Evans (II), Mario Kassar & Ben Myron pour United Artists, Carolco Pictures, Vegas Productions & Chargeurs.

Derrière la caméra : Paul Verhoeven (réalisation). Joe Eszterhas (scénario). Jost Vacano (chef opérateur). Dave Stewart (musique).

A l’écran : Elizabeth Berkley, Kyle MacLachlan, Gina Gershon, Gina Ravera, Robert Davi, Glenn Plummer, Alan Rachins, Lin Tucci.

Sur Ciné + en : mars 2023.

Copyright photos : Pathé Production.