Yesterday, réalisé par le cinéaste oscarisé Danny Boyle, écrit par le célèbre scénariste/réalisateur Richard Curtis (Quatre mariages et un enterrement, Love Actually) promettait une comédie des plus pétillantes. Il en reste une gentille comédie sur fond de son rock rendant hommage au plus grand groupe anglais de tous les temps, The Beatles. N’en déplaise à certains, Richard Curtis reprend les bonnes vieilles recettes d’une love story associée à la musique des 60’s et 70’s.
Je crois que le secret de mes films et de la plupart des succès des récentes comédies anglaises depuis dix ans réside dans le fait que les sujets sont ceux d’une petite section de la société anglaise que l’auteur connaît vraiment bien et adore. Ils ne sont pas satiriques. Ce sont des portraits affectueux d’une part de la société britannique, avec une intrigue bien ficelée ajoutée à cela.

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Une première collaboration
Mars 2018. Danny Boyle et Richard Curtis annoncent leur première collaboration sur un film mettant en scène un musicien qui se retrouve être le seul à connaître les Beatles. En effet, Richard Curtis, après le succès de son film, About Time en 2013, décide de se consacrer à nouveau au genre de l’uchronie, offrant la possibilité de réécrire l’histoire à partir de modification d’un événement du passé. Yesterday rentre dans cette case. C’est donc l’histoire de Jack Malik, un jeune auteur-compositeur-interprète qui a aujourd’hui abandonné toute chance de faire carrière dans la musique, malgré le soutien de son amie Ellie qui le pousse à persévérer. Après une panne de courant générale mondiale et un choc violent avec un bus en vélo, il se réveille dans un monde qui ne connaît pas les Beatles. Exit John, Paul, George et Ringo. Jack tente sa chance et lance sa carrière musicale en jouant les chansons du groupe. Le film est avant tout un film signé Richard Curtis. On se demande même pourquoi Danny Boyle s’est intéressé à cette histoire, une petite histoire d’amour pleine de bons sentiments qui ne trouve jamais réellement son rythme.
En effet, tout au long du film, on ne capte pas réellement l’empreinte du réalisateur. Et c’est là peut-être le plus gros handicap de l’oeuvre. Boyle se perd dans ce monde mignon, oui osons le dire, lui qui a signé dans le passé Trainspotting, Petits meurtres entre amis ou encore 28 jours plus tard. Yesterday le voit faire son premier pas quelque peu boiteux dans la comédie. Et l’on ne cesse donc tout au long du film de se poser la question : mais pourquoi Richard Curtis n’a-t-il pas lui-même réalisé le film ? Yesterday aurait ainsi réellement gagné en émotion… Sincère !

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Une mise en scène simpliste
Malgré une forme qui aurait pu s’avérer pertinente, le mélange du musical et de la comédie cache difficilement une mise en scène maladroite car tout le temps sur-signifiante. Le scénario, lui, souffre d’un académisme souvent éreintant : les débuts difficiles, l’apogée, la rédemption, sans parler de la psychologie de comptoir extrêmement simpliste. Richard Curtis aime lui-même à répéter que « l’amour est partout, imprévisible, inexplicable, insurmontable ». Fort heureusement, le choix de mettre un jeune inconnu dans le rôle principal, Himesh Patel, donne un nouveau souffle à son univers avec pour partenaire de jeu la jeune Lilly James qui a déjà collaboré avec Richard Curtis dans la suite de Mamma Mia ! Les seconds rôles sont quant à eux merveilleusement bien écrits, comme toujours chez Curtis d’ailleurs. La séquence de Let it be le prouve à la merveille. Cette séquence où Jack Malik essaie désespérément de chanter le titre mythique des Beatles à ses parents se révèle hilarante. Le rythme, le jeu des acteurs ou les dialogues écrits finement nous rappellent également la force de l’humour à la source Curtis. Le reste demeure malheureusement simple prétexte à pousser la chansonnette. Il faut bien le constater : on ne chante pas le répertoire de n’importe qui. CQFD.
La musique pop est absolument ma musique préférée au monde et lorsque j’écris, je suis tout le temps en train d’écouter ce type de musique. Donc je la mets dans mes films autant que possible.
Le scénariste rend à nouveau hommage à la musique des 60s et des 70’s, décennie déjà explorée dans l’une de ses oeuvres majeures comme Good Morning England (2009). Le film reprend les standards, de Hey Jude à Let it be en passant par Help ! et Strawberry Fields Forever, Something, et bien sûr Yesterday qui donne son titre au film. Il existe d’ailleurs une anecdote sur cette chanson qui souligne l’intrigue. La légende dit que Paul McCartney se réveilla un matin dans sa chambre avec la mélodie de Yesterday. Le compositeur craint aussitôt que la chanson soit un plagiat inconscient, et donc que ce qui lui paraissait être un éclair d’inspiration ne soit en réalité les réminiscences d’un vieux souvenir oublié. Aussi McCartney affirmera-t-il : « Pendant un mois, j’ai fait le tour des professionnels du disque pour leur demander s’ils l’avaient déjà entendue avant. J’ai fini par me dire que c’était comme un objet trouvé : si personne ne le réclamait, après un certain temps, ce serait à moi ». De tous les titres des Beatles, Yesterday fait donc le plus écho à l’histoire du film. Était-ce réellement voulu ?

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Quoiqu’il en soit, Yesterday demeure une comédie romantique brodée sur un canevas scénaristique par trop classique, une oeuvre pleine de mignonnerie qui résonne surtout comme une véritable déclaration d’amour aux Beatles. Si la rencontre entre Danny Boyle et Richard Curtis n’aboutit pas sur un film qu’on aurait pu espérer explosif, Yesterday s’avère donc néanmoins sympathique et profondément sincère.
