Que fallait-il attendre d’une suite aussi tardive à un film qui a forgé le culte d’Eddie Murphy il y a 33 ans ? Une comédie qui renouvelle le genre ? Ou au moins du même niveau ? Ou un peu drôle ? Peut-être que c’était viser trop haut. Quant à attendre un film qui tient juste debout ou qui parlerait d’un prince à New York, le résultat parvient là encore à déjouer les pronostics.
EDDIE MURPHY, LE ROI S’ENTÊTE
Petit flashback. En 1988, Eddie Murphy est déjà une superstar capable de faire plier les studios à sa volonté. Il parvient à imposer John Landis en réalisateur de son nouveau projet, alors que celui-ci sort d’une série de bides et d’un procès pour homicide pour la mort de quatre personnes dont deux enfants décapités par les hélices d’un hélicoptère en plein crash sur le tournage de son segment de La Quatrième Dimension, le film (1983). Qui donc de mieux pour réaliser une comédie à ce moment-là ? Landis s’embarque ainsi dans l’aventure en parfait mercenaire, priant pour ressusciter sa carrière. Résultat : Un prince à New York (1988), une comédie très légère et franchement bas du front, qui tire son épingle sur quelques moments, dont l’idée d’avoir Murphy jouer plusieurs rôles sous des maquillages très épais, ce qui deviendra une marque de fabrique de son cinéma pour les vingt années suivantes. Si le film bénéficie d’une aura culte aux États-Unis, force est de constater qu’il est lent, pas très drôle, convenu et assez inoffensif. Mais le succès fut au rendez-vous. Murphy a donc traîné l’idée d’une suite pendant des décennies avant de trouver un studio qui voudrait bien le greenlighter. Après une longue traversée du désert, Murphy s’est vu renouer avec un peu de son aura passé via Dolemite Is My Name (2019), superbe biopic ed-woodien en diable signé Craig Brewer, génial réalisateur de Hustle and Flow (2005) et Black Snake Moan (2006). Le succès du film Netflix aidant, la suite du Prince à New York est lancée avec le même Brewer à la barre et un budget extrêmement généreux qui permet de se payer une avalanche de guests trop longue à lister ici. Sur le papier, on a de quoi s’autoriser à espérer un retour de Murphy à la comédie populaire mais loin des excès à la Norbit (B. Robbins, 2007). Si seulement…

© Quantrell D. Colbert/Amazon Studios

© Quantrell D. Colbert/Amazon Studios
EDDIE MURPHY, LE ROI SANS TÊTE
Le pitch du film est simple : la loi de son pays oblige le prince Akeem a trouver un héritier mâle au trône du royaume de Zamunda. Coup de bol (c’est présenté comme ça), il se trouve qu’il s’est fait violer à son insu lors de son périple du premier film à New York il y a plus de 30 ans. Il a donc un bâtard américain qu’il trouve en deux minutes avant de le ramener en Afrique pour le former à devenir un prince digne de ce nom. Mais le fiston s’habitue mal à sa nouvelle vie et des situations cocasses s’enchaînent…
Et voilà. Donc déjà les choses sont simples : le prince du titre n’est pas celui du premier film mais son fils. Son fils qui ne devient un prince que lorsqu’il quitte New York. Donc le titre Un prince à New York 2 ne contient aucun prince à New York. Ensuite, le pitch du film ne fait que renverser le concept ô combien usé du fish out of water du premier film avec cette fois un américain décontenancé par les apparats de la vie princière en Afrique. Seulement, ça pose un souci d’écriture évident : un prince fictif africain qui visite un New York concret et crédible, c’est une façon candide de nous parler de la société américaine et de ses travers qui sauteraient aux yeux de n’importe quel humain découvrant ce monde et ses moeurs. Mais si un newyorkais lambda visite un pays africain aussi plausible et artificiel que le Wakanda de Black Panter (R. Coogler, 2018), la comédie passe essentiellement d’un apprentissage à juste une suite de situations absurdes. Plus problématique encore, le film se borne à répéter tout du long chaque vanne du premier film comme un récital sacré. Résultat : si vous ne connaissez pas le premier film sur le bout des doigts, il est impossible de comprendre le moindre gag du second, mais si vous le connaissez bien, vous n’aurez que l’impression de revoir les mêmes acteurs rejouer les mêmes blagues en moins drôle 33 ans plus tard. Dès lors, toute velléité de comédie est annihilée par un concept qui se mord la queue. On passera alors sur le fait qu’avoir plus de vingt-cinq personnages importants ne peut aboutir qu’à une division du temps de chacun pour briller, dans lequel Murphy lui-même ne semble qu’apparaître que partiellement. Pire encore, des acteurs qui ont pu être brillants comme Wesley Snipes ou Tracy Morgan sont réduits à des caricatures unidimensionnelles. Et même si, de temps à autre, voir ou reconnaître un visage peut faire plaisir (Trevor Noah du Daily Show notamment), le problème de fond est un couperet : le film n’est pas drôle. Les vannes sont usées, la rythmique est trop lente pour impacter et le propos, qui tend à l’émancipation de la nouvelle génération (façon soupe servie tiède) fait peine a voir quand un Borat 2 (J. Woliner, 2020) a justement réussi il y a quelques mois à prouver qu’on pouvait être progressiste sans renier son acidité dans l’humour. Quand au montage, on a juste l’impression d’une série de sketches plus ou moins liés qui se suivent, avec un fil rouge qui ne raconte rien et le fait mal. Si une émotion subsiste, c’est une gêne profonde pour Brewer, qui n’a de toute évidence pu imposer quoi que ce soit à Murphy. Pour la star, on imagine sans peine le plaisir nostalgique qu’il a dû ressentir à pouvoir encore une fois broyer un réalisateur pour finir sur une bouillie. Encore fallut-il arriver à le partager, ce plaisir…
Un prince à New York 2 (Coming 2 America, 2021 – États-Unis) ; Réalisation : Craig Brewer. Scénario : Kenya Barris, Barry W. Blaustein et David Sheffield d’après les personnages créés par Eddie Murphy. Avec : Eddie Murphy, Arsenio Hall, Jermaine Fowler, Leslie Jones (II), Tracy Morgan, KiKi Layne, Shari Headley, Wesley Snipes, James Earl Jones, John Amos, Teyana Taylor, Vanessa Bell Calloway, Paul Bates, Nomzamo Mbatha, Bella Murphy, Morgan Freeman, Rotimi, Louie Anderson, Trevor Noah, Michael Blackson, Clint Smith, Luenell, Rick Ross (III) et Garcelle Beauvais. Chef opérateur : Joe « Jody » Williams. Production : Kevin Misher, Eddie Murphy, Valerii An, Kenya Barris, Andy Berman, Bradley J. Fischer, Charisse M. Hewitt, Michele Imperato et Brian Oliver – Paramount Pictures, New Republic Pictures, Misher Films et Amazon Studios. Format : 2.00:1. Durée : 110 minutes.
Disponible sur Amazon Prime Video à partir du 5 mars 2021.
Copyright illustration en couverture : Quantrell D. Colbert/Amazon Studios/The Ringer.
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