Trois Amigos : l’autre objet culte de John Landis

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Jalon (non-)essentiel dans l’œuvre inégale de John Landis, Trois Amigos débarque dans le catalogue copieux de Carlotta Films. Retour sur une perle rare coincée dans un écrin de carton-pâte.

Curieuse résurrection que celle de Trois Amigos à l’heure où les guildes angelines mènent une révolution de palais avec perte et fracas, et où son réalisateur, John Landis, se désespère d’assister au naufrage d’une industrie sous perfusion. Sortie en 1986, cette comédie westernienne elle aussi un peu à bout de souffle sifflait la fin de partie de sa folle cavalcade à Hollywood. Une parenthèse potache longue d’à peine une décennie, braquée sur le mode rigolard avec la complicité des « wild and crazy guys » du Saturday Night Live et des transfuges du National Lampoon. Rétive à l’humour faluchard, la France lui aura préféré tout du long le comique caf’conc du Splendid et ses gauloiseries boulevardières. Pour preuve, l’embardée africaine des Bronzés a davantage emporté l’adhésion du public hexagonal que le tohu-bohu d’American College, tous deux en compétition dans les salles obscures à l’hiver 1978. Le lifting de Trois Amigos au format Blu-ray n’avait donc a priori aucune raison de susciter un élan d’enthousiasme dans nos contrées, si ce n’était de satisfaire l’appétit des cinéphiles jusqu’ici en possession d’une édition DVD maigrelette vieille d’une vingtaine d’années. Carlotta en a certainement pris acte et se contente d’adjoindre au film une simple bande-annonce d’époque.

Trois Amigos arrive donc en queue de comète, sur les cendres encore chaudes des Blues Brothers, mètre étalon d’un sous-genre dont Landis a parachevé l’architecture en une poignée de films avec plus ou moins de succès. Les duos canoniques de son cinéma (Dan Aykroyd/John Belushi, David Naughton/Griffin Dunne, Dan Ayrkroyd/Eddie Murhpy) cèdent ici le pas à un trio de tête (Steve Martin, Martin Short et Chevy Chase) réuni par miracle après une première tentative de mise à feu sous l’égide de Steven Spielberg avec Robin Williams et Bill Murray. Un système ternaire qu’on retrouve également au scénario co-signé par Steve Martin, Lorne Michaels, padre padrone controversé du SNL, et le songwriter Randy Newman. Que nous promet Trois Amigos ? A première vue, un pastiche de western dans le sillage du Shériff est en prison de Mel Brooks, le tintamarre flatulent en moins. John Landis propose plutôt une variation plus policée autour des Sept Mercenaires de John Sturges (lui-même dérivé des Sept Samouraïs de Kurosawa, rappelons-le) avec pour seuls points de convergence un même compositeur (Elmer Bernstein) et un canevas quelque peu paresseux. Les trois caballeros éponymes, des acteurs de serials portés sur la fanfaronnade, sont appelés au secours d’un pueblo mexicain pris dans les griffes du cruel El Guapo et de sa horde sauvage. Quiproquos en cascade et routines musicales ponctuent leur équipée picaresque dans le Mexique révolutionnaire de Poncho Villa dont personne semble ne faire grand cas. Landis, lui, préfère jouer de l’artifice du carton-pâte pour signer un hommage rigolard au cinéma des pionniers avec ses cowboys fringants, ses horizons pastel et ses sérénades au coin du feu.

Reste en mémoire l’une des plus belles images de cet objet culte mais mal identifié : le regard d’une señorita absorbé par la projection d’un western muet dans une petite église, acte de foi total en l’image cinématographique par-delà sa représentation d’un réel illusoire. Trois Amigos ne délivre certes pas toutes ses promesses, mais garantit au moins de décrocher un grand sourire au soleil couchant.

Three Amigos, de John Landis (1h 38), avec Steve Martin, Martin Short et Chevy Chase. En Blu-ray chez Carlotta Films.

Copyright photos : Orion Pictures.