Sorti directement en VHS en France en 1996, La Peau sur les os ressort du placard sous la forme d’une galette Blu-ray flambant neuve chez Rimini éditions. L’occasion de vérifier si la petite série B artisanale des nineties résiste à l’épreuve du temps. Verdict.
« Si la loi est injuste, la justice passe avant la loi ». A partir de la maxime pascalienne, Stephen King avait tricoté en 1984 un petit conte horrifique dans la veine des Contes de la Crypte, le dernier qu’il fit publier sous son pseudonyme Richard Bachmann. Une supercherie littéraire mise au jour par un jeune libraire de Washington en farfouillant dans les archives de la Library of Congress. Ultime supercherie du maître de l’horreur, Thinner (La peau sur les os) naît d’une divagation de son auteur, lorsque, frisant l’obésité morbide, son médecin lui intime de perdre du poids dans les plus brefs délais. S’il s’exécute non sans broncher, Stephen King regrette de devoir se départir d’une masse graisseuse qu’il commençait à apprécier. « Et puis je me suis mis à imaginer ce qui se passerait si quelqu’un commençait à perdre du poids sans pouvoir s’arrêter », raconte King au Washington Post, en avril 1985. Le mauvais sort s’abat donc sur l’avocat Billy Halleck, un WASP grassouillet du Connecticut qui écrase par accident une vieille Gitane alors que son épouse le masturbe. Au sortir du tribunal où justice n’a pas été rendue, Tadzu Lemke, le père de la victime, condamne le notable à maigrir jusqu’à ce que mort s’ensuive, en plus de précipiter le suicide du juge et du chef de la police. Halleck remonte la piste des Gitans pour plaider sa cause en vain. L’avocat leur lance alors dans les pattes un ancien client mafieux versé dans l’intimidation jusqu’à ce que Lemke n’accepte de lever sa malédiction. Un mauvais sang expurgé dans une tourte à faire manger à une autre victime pour le débarrasser définitivement du fléau. Billy décide de la faire gober à sa femme, l’origine du mal. En plus de provoquer sa mort, celui-ci précipite celle de sa gourmande de jeune fille. Éploré, Billy Halleck se suicide en grignotant la tarte de la discorde.



PEAU DE CHAGRIN
Le pitch alléchant de Thinner ouvre l’appétit de Dino de Laurentiis au milieu des années 80. Le producteur vorace se pourlèche déjà les babines. Après avoir adapté coup sur coup trois romans de Stephen King (Charlie, Dead Zone et Cat’s Eye), en plus de financer la seule réalisation du romancier (le désastreux Maximum Overdrive), La peau sur les os est un produit tout désigné pour sa petite boutique des horreurs. Dino De Laurentiis concocte déjà son casting : Sam Raimi à la réalisation, Scott Spiegel au scénario et Rob Tapert à la production. Une dream team malheureusement déjà accaparée par le tournage d’Evil Dead II (1987) que l’Italien filou distribuera en salles. Les droits de Thinner échouent dans l’escarcelle du producteur Richard P. Rubinstein qui surfe lui aussi sur la vague Stephen King à la fin de la décennie. D’abord au cinéma (Simetierre, 1989) puis à la télévision (Les Langoliers, 1995) avec les services d’un petit prince du genre, Tom Holland. Le cinéaste refait ici équipe avec Michael McDowell, scénariste de trois Contes de la Crypte et de l’une des Amazing Stories qu’il a réalisés. Un tandem gagnant au tournant des nineties : l’un jouit de la petite gloire apportée par Jeu d’enfant (1988), l’autre a signé deux grands succès de Tim Burton (Beetlejuice et L’Étrange Noël de Monsieur Jack).
Adapter Thinner n’est pourtant pas une si mince affaire. Holland et McDowell accoucheront d’une quinzaine de versions du scénario avant d’obtenir l’aval de leur producteur. A l’arrivée, le talent du tandem se réduit comme peau de chagrin. La faute à une adaptation qui cherche à plaire à tout le monde, et donc ne satisfait aucune exigence scénaristique – encore moins celle des fins connaisseurs du roman -, à un casting « bradé » (mention spéciale au surjeu de Kari Wurher), mais aussi à des stéréotypes sexistes et misogynes. On ne boude certes pas son plaisir à croiser l’impayable trombine de Stephen King dans un rôle secondaire, mais on ne peut s’empêcher d’essayer de comprendre pourquoi Joe Mantegna a accepté de se fourvoyer dans pareille entreprise. De ce « food porn revenge movie » faisandé, seuls résistent à l’épreuve du temps maquillages et prothèses, tristes lots de consolation. A déguster chez soi sans faire la fine bouche, armé du court livret très instructif de Marc Toullec fourni par Rimini. Bon appétit quand même !
A la production : Mitchell Galin, Richard P. Rubinstein pour Paramount Pictures et Spelling Films International.
Derrière la caméra : Tom Holland (réalisation). Tom Holland & Michael McDowell (scénario). Kees Van Oostrum (chef opérateur). Daniel Licht (musique).
A l’écran : Robert John Burke, Joe Mantegna, Lucinda Jenney, Kari Wuhrer, Bethany Joy Lenz, Time Winters, Howard Erskine, Terrence Garmey.
En Blu-ray le : 17 novembre 2022.