Origin story sur l’astronaute de la saga phare du studio Pixar, Buzz l’éclair propose une introspection réaliste dans l’univers des jouets, inspirée du merchandising du film originel de 1995. Ce nouvel angle permet-il d’offrir plus de profondeur au célèbre ranger de l’espace, après deux épisodes le reléguant au rang de sidekick pittoresque du cowboy Woody, et un quatrième volet puisant déjà son inspiration dans le passé avec le retour de la bergère Bo ?
Après le cuisant échec d’une mission de routine pour l’astronaute, le personnage inspiré de Buzz Aldrin cherche à réparer son erreur aux yeux de l’agence spatiale Star Command. Une revalorisation de son image bien plus complexe que prévue, entre des péripéties en cascade, une équipe de jeunes rookies et, bien évidemment, le terrible Zurg ! En observant de plus près le synopsis de la deuxième création cinématographique d’Angus MacLane (Le Monde de Dory, co-réalisé avec Andrew Stanton, 2016), l’idée d’orienter principalement ce spin-off vers un esprit d’aventure s’avère évident. Et sur ce point, le film ne déçoit jamais, notamment grâce à sa maîtrise efficace du rythme, ses enjeux clairs, son casting de personnages aussi drôles qu’attachants et ses scènes de combat haletantes.
Joliment empaqueté, la mission se dévoile comme une véritable prouesse visuelle, explorant davantage un côté plus obscur que les précédents volets de la saga, afin d’en accentuer son réalisme, en plus de disséminer des références aux films SF des années 90. Avec de nombreux jeux d’ombres, de lumières et de reflets, l’ancienne petite boîte de tech rappelle une fois de plus sa maîtrise inégalée de l’animation. Si la formule reste similaire aux précédentes créations Disney/Pixar – soit des personnages à la tête grossièrement enfantine dans un décor vraisemblant – Buzz l’éclair réussit néanmoins à bousculer les codes de fabrication de la firme. Surtout lorsqu’on le compare à la dernière production solo de Disney, Encanto : la fantastique famille Madrigal, d’un classicisme visuel exacerbant.
Toutefois, un mensonge sous-tend cette performance narrative et esthétique. Plutôt que de raconter l’ascension d’un glorieux astronaute, le nouveau film Pixar s’articule autour d’un personnage tourmenté qui cherche surtout à redorer son blason. Nous n’assistons pas à la création d’une icône, elle existe déjà dans l’inconscient collectif. Par conséquent, avec son ambition limitée, le long-métrage demeure anecdotique, entre un passé déjà accompli et une finalité trop ouverte à de nouvelles explorations. Buzz l’éclair propose surtout un florilège d’options pour sa succession, entre « une origin story à l’origin story » et une suite de l’origin story. Pixar lâche une énième capsule duplicable à l’infini, rappelant ses difficultés financières en coulisse.


BAD BUZZ
En janvier 2021, Pete Docter, une des principales têtes créatives de Pixar, annonçait déjà son intention de produire des suites aux grands succès reconnus du groupe afin de lui garantir une certaine stabilité financière. Une décision qui permettrait également de proposer quelques fois des concepts plus singuliers et intimes comme dernièrement Luca ou Alerte Rouge. Des créations qui ont été directement bazardées sur Disney+, afin de les séparer sans ménagement des lucratives productions de la société de Mickey. Un choix qui limite les risques financiers de l’entreprise, en plus de proposer sur sa plateforme un nouveau contenu attractif qui surfe sur l’image de marque de Pixar. Si cette annonce de Docter s’avère inquiétante, l’attention particulière accordée à un projet franchisé peut néanmoins y remédier, à l’instar de Bienvenue chez Doug, antithèse de Monstres et Cie : Au travail, deux séries dérivées d’univers du studio présentes sur le concurrent direct de Netflix.
Avec Buzz l’éclair, Pixar offre donc une formule innovante dans un cadre financièrement précis. Mais c’est ici même que réside le principal problème du long-métrage : sa conscience d’exister uniquement pour maintenir en vie une franchise lucrative. Le choix d’Angus MacLane, à l’origine de nombreuses créations annexes de la saga comme Mini Buzz ou Toy Story : Angoisse au motel, n’a rien d’anodin. N’accordant que peu de confiance à sa nouvelle production, le metteur en scène se précipite dans son exécution afin d’accoucher d’un divertissement tout sauf ennuyeux et d’excuser ses intentions peu nobles. Entre un enchaînement constant de McGuffin au sein de son intrigue, une personnalité sommairement approfondie chez chaque protagoniste (dont Buzz), un humour omniprésent (déjà visible sur le volet de Josh Cooley), des références aux autres productions Toy Story plus ou moins bien nuancées et des grandes théories scientifiques expédiées avec désarroi (le voyage/le saut/la distorsion dans le temps), Angus MacLane oublie l’émotion au sein de son film d’action. Une sensibilité pourtant à la base des plus grandes créations présentées sous la bannière de la lampe Luxo Jr. Cette emblématique délicatesse a disparu à des années-lumière.
A la production : Pete Docter, Galyn Susman & Andrew Stanton pour Walt Disney Pictures & Pixar Animation Studios.
Derrière la caméra : Angus MacLane (réalisation). Angus MacLane & Jason Headley (scénario). Jeremy Lasky & Ian Megibben (chefs opérateurs). Michael Giacchino (musique).
A l’écran : Chris Evans, Keke Palmer, Peter Sohn, Taika Waititi, Dale Soules, James Brolin, Uzo Aduba, Mary McDonald-Lewis.
En salle le : 22 juin 2022.