Le 22 juin 2015 arrive une bien triste nouvelle. Le compositeur de musique de film, James Horner s’éteint à l’âge de 61 ans, dans un accident d’avion à 150 kilomètres au nord-ouest de Los Angeles, près de Santa Barbara. Restera désormais le souvenir des sublimes mélodies qui auront émerveillé les spectateurs, comme les cinéphiles et les mélomanes pendant plus de trente ans.
James Horner faisant chanter les oiseaux, quoi de plus naturel ? Et faire sonner sa musique comme de la lumière, jamais je n’aurais cru que cela puisse être si beau.
James Horner a insufflé aux sens de l’auditeur un vertige qui n’en finit pas de se dilater dans l’étourdissement, des heures après les premières écoutes de son travail. De Titanic (James Cameron, 1997) à Willow (Ron Howard, 1988) en passant par Cocoon (Ron Howard, 1985) ou Braveheart (Mel Gibson, 1995), les notes viscérales du compositeur accompagnent les films auxquels il est associé dans un rêve enchanteur qui fait battre le cœur en chamade des millions de spectateurs. Les clés de la puissance émotionnelle qui se dégage de ses partitions sont de l’ordre du divin, d’une jouissance unique et inexplicable. Sa musique reste encore aujourd’hui prégnante avec ses cordes abyssales, ses motifs joués au piano et ses cors plaintifs. L’œuvre de James Horner s’écoute comme une prière. On nage dans un amour passionnel, tendre, mélancolique, voire un amour lié à la mort ; le sentiment amoureux de James Horner est toujours peint par un accord charnel mais sincère, très humain aux senteurs wagnériennes. Affirmons-le : cette douceur inoubliable nous accompagnera très sûrement jusqu’à la fin de votre vie.
Les premiers succès
Né le 14 août 1953 à Los Angeles d’un couple d’émigrés autrichiens, Joan et Harry Horner, James a commencé à étudier le piano, très jeune, dès l’âge de cinq ans à la Royal College of Music. Après avoir passé ses jeunes années à Londres, il fait ses études supérieures aux États-Unis, notamment à l’université de Californie du Sud. Son père, Harry, de formation architecte à Vienne, exerçait des fonctions de chef décorateur, et par la suite devint assistant de Max Reinhardt, réalisateur autrichien. Il est naturalisé américain en 1938. En 1940, il part sur la côte Ouest et travaille pour le cinéma, comme réalisateur puis directeur artistique. Il est fort probable que James Horner fut sensiblement attiré par le cinéma grâce à son père. A l’université de Californie à Los Angeles, il étudia entre autres avec le compositeur Paul Chihara et enseigna par la suite la théorie musicale à l’UCLA. Il se tourna vers la composition de bandes originales après s’être exercer avec plusieurs compositions pour l’American Film Institute au cours des années 1970.

© DR
En 1979, James Horner compose son premier score pour Les Mercenaires de l’espace (Battle Beyond the Stars) réalisé par Jimmy T. Murakami, produit par Roger Corman, une œuvre décalée, remake assumé Sept Samouraïs à la sauce Star Wars, qui ne marquera peut-être pas l’histoire du 7ème art mais permettra à James Horner de travailler sur la musique de Star Trek 2 : La Colère de Khan de Nicholas Meyer en 1982. Le film fut un succès au box-office et lui permet malgré son jeune âge d’être un compositeur bankable à Hollywood. En 1985, Ron Howard lui confie la musique du film Cocoon qui marquera sa première collaboration avec le réalisateur.
Cocoon a changé quelque chose en moi, déclenché quelque chose, un certain type de passion et d’émotion qui ont été très bien transmis dans le film. C’était simplement un film formidable sur des gens âgés qui avaient la chance de redevenir jeunes.
Le cadeau empoisonné de James Cameron
En 1986, James Horner croise le monde de James Cameron. Ce dernier s’attaque à la suite d’Alien (Ridley Scott, 1979), grand classique de la SF qui a fortement marqué des générations. Comme dans toutes les histoires de tournage associées à James Cameron, l’ambiance est complexe. Le fort caractère du réalisateur n’a pas été de tout repos pour son équipe de film et James Horner en a payé également les frais, « un cadeau empoisonné » comme il disait. Lorsque James Horner est engagé, le film est encore en tournage, à peine six semaines de sa sortie en salle, et que le montage en parallèle ne cesse d’être modifié par le réalisateur lui-même. Lorsqu’il exprime le manque de temps devant un tel travail, la productrice, Gale Ann Hurd, lui répond que s’il n’est pas à la hauteur, elle trouvera bien quelqu’un d’autres. James Horner se met au travail et en quelques jours, ils terminent le score. Malheureusement, Cameron s’amusera à charcuter sa musique en la mélangeant avec la partition de Jerry Goldsmith du premier film de la saga et celle composée par Harry Rabinowitz. Il faudra attendre 2001 pour que la bande originale soit à nouveau restaurée dans son intégralité. Suite à cela, les deux hommes partent en très mauvais termes et il faudra attendre 1997 avec Titanic pour qu’il retravaille à nouveau ensemble après que James Cameron ait entendu la musique de Braveheart de Mel Gibson, la jugeant sublime. Alienss’ajoute à un autre succès la même année avec Le Nom de la rose de Jean-Jacques Annaud, James Horner mariant avec une certaine aisance la musique symphonique et électronique. Dès lors, son style s’affine et les propositions affluent.

James Horner, Steven Spielberg et Don Bluth © Amblin

James Horner et Jean-Jacques Annaud © DR
En route pour l’Oscar
Il y a un après-Cocoon car Steven Spielberg a aimé ce film et ma musique. Ma carrière a vraiment décollé avec Cocoon puis American Tail. Je suis entré dans la tradition d’Hollywood à ce moment-là
James Horner écrira par la suite des compositions pour les grands réalisateurs et les plus gros projets hollywoodiens réalisés par Georges Lucas ou même Steven Spielberg. Le Petit Dinosaure et la Vallée des merveilles (Don Bluth, 1988), Willow, Chérie, j’ai rétréci les gosses (Joe Johnston, 1989) et Glory (Edward Zwick, 1989)comptent parmi les succès de cette période faste. Vient ensuite la bande originale du film Les Experts (Phil Alden Robinson, 1992) où le compositeur s’oriente vers une orchestration plus mesurée et subtile. En 1995, James Horner travaille à nouveau pour Edward Zwick sur Légendes d’Automne avec Brad Pitt et Anthony Hopkins. Puis, il enchaine avec Braveheart de Mel Gibson, qui lui vaut une nomination à l’Oscar de la meilleure musique de films et surtout un « nom » qui résonne dans la tête du public. Le film est un succès colossal engendrant plus de 250 millions de dollars dans le monde avec cinq Oscars dont celui du meilleur film. La bande originale fut également un beau succès. Les cornemuses, malgré ses accords grinçants et colorés, n’ont jamais été aussi bien utilisées avec élégance et beauté, pour en tirer des sons majestueux accompagnés par l’orchestre, exprimant ainsi le choc des cultures et des corps. James Horner est à son apogée.
James Horner est le musicien le plus pudique que je connaisse et il me fallait cette valeur à la fois dans la musique et dans l’homme qui la composerait. (…) Tout le monde connait la musique maintenant et je n’ai rien à ajouter si ce n’est qu’elle restera comme l’une des plus grandes œuvres jamais écrites pour le cinéma.
Le cœur et l’âme
En 1995, James Horner enchaine les productions d’entertainment pur : Casper (Brad Silberling), Apollo 13 (Ron Howard), Jumanji (Joe Johnston), Balto chien-loup, héros des neiges (Simon Wells et Brenda Chapman). L’année suivante, Hollywood ne parle que de Titanic, la folie de James Cameron. Ce dernier prépare activement son film avec comme toujours des dépassements budgétaires, de temps et des tensions au sein de l’équipe. Au montage, des bruits de couloir disent que James Cameron monte son film avec les musiques de Braveheart et d’Apollo 13 qu’il a secrètement adoré. Désireux de retravailler ensemble il ne semble pourtant pas vouloir rappeler le compositeur suite à leurs disputes entamées il y a 10 ans. Il faudra que James Horner provoque la rencontre pour qu’ils s’entretiennent, s’accordent et travaillent ensemble. Après avoir vu plus de 30 heures du film, James Horner commence à écrire la partition en urgence. Il lui faudra à peu près six mois à en venir à bout. Titanic sort en 1997. Le film est un succès sans précédent, un raz-de-marrée pourrait-on dire : plus de 2 milliards de dollars de recettes dans le monde, 11 Oscars dont un pour la musique du film et un autre pour la meilleure chanson originale.

Céline Dion et James Horner © Hivelyla Times International/SIPA
James Horner co-signe avec Will Jennings « My Heart Will Go On » chantée par Céline Dion, qui bat un record en restant 16 semaines à la première place du Top 200 des albums du Billboard. La bande originale du film reste à ce jour le score le plus vendu avec plus de 30 millions d’exemplaires dans le monde.
Je suis allé chez lui, il s’est mis au piano et m’a dit : « je vois ça pour le thème principal du navire ». Il l’a joué une fois, et j’ai pleuré. Ensuite, il a joué le thème de Rose, et j’ai à nouveau pleuré. Il n’avait encore rien orchestré, mais je savais que ce serait une des belles bandes originales du cinéma. Il pensait n’avoir fait que 5% du travail, et moi je savais qu’il avait déjà touché le cœur et l’âme.
Tout comme James Cameron, James Horner devient le roi du monde. L’après-Titanic en 1998 fut également prolifique en composition avec des succès tels que Le Masque de Zorro (Martin Campbell) et Deep Impact (Mimi Leder). Viennent ensuite Le Grinch de Ron Howard en 2000 ou encore Un homme d’exception (Ron Howard, 2001) qui lui vaudra une nouvelle nomination à l’Oscar. Son dernier succès sera probablement à nouveau avec James Cameron pour Avatar en 2009. Le réalisateur refuse une composition reconnaissable avec un thème apparent, préférant des ambiances musicales avec l’aide de sonorités électroniques et autres passages orchestraux. Le public regrettera que le score soit un patchwork de plusieurs œuvres du maître. Après 2010, on ne retiendra que peu de bandes originales de la qualité d’un Braveheart ou d’un Titanic. En 2015, il accepte de composer la musique d’un documentaire Living in the Age of Airplanes, un film de Brian J. Terwilliger sur les avions qu’il produit également par amour pour l’aviation. Ironie du sort, James Horner, considéré comme un pilote expérimenté et averti, se tuera peu de temps après, en juin 2015, dans le crash de l’un de ses avions. Magicien de la musique, il avait un talent inimitable à produire des mélodies avec un élan de créativité sans précédent. Nul besoin d’artifices et de déguisements pour le présenter tel qu’il était vraiment. L’œuvre de James Horner perdurera avec le temps et nous poussera à chaque écoute de sa musique à verser des larmes de joie grâce à ses si belles mélodies.
Seul Mozart était un génie précoce, seuls Berlioz, Prokofiev… Sont des génies ! Moi non, simplement j’ai exprimé mon identité et ma conception dues à mes enseignements.