« Mes incontournables de Noël » par Michel Hazanavicius

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Michel Hazanavicius

Michel Hazanavicius, sans cesse à contretemps – rappelons qu’on lui doit d’avoir réalisé un film muet en noir et blanc (The Artist, 2011) à l’heure du boom de la 3D – en remet une couche cette année avec Le Prince Oublié, une comédie familiale calibrée pour Noël… Sortie à deux jours de la Saint-Valentin ! A notre tour, nous avons synchronisé nos montres avec la sienne pour lui demander quels sont ses films de Noël préférés. *

L’histoire du Prince Oublié commence juste après le tournage du Redoutable (2017), lorsque Michel Hazanavicius reçoit un coup de téléphone de Philippe Rousselet et Jonathan Blumental. « Salut Michel, on a pensé toi. Bruno [Merle] et Noé [Debré] ont écrit un scénario que tu pourrais bien réaliser… » Les deux producteurs lui font lire les aventures de Djibi (Omar Sy), un père dévoué qui raconte chaque soir à sa fille, Sofia, des histoires féériques dans lesquelles lui-même incarne un prince vaillant au service de sa princesse en danger. Mais l’arrivée de l’adolescence menace sérieusement ce petit monde enchanté qui n’a plus de raison d’exister à l’heure où la jeune fille cherche à s’émanciper de l’emprise paternelle. Hazanavicius, lui-même père de 4 enfants, se laisse très vite séduire par la possibilité de réaliser un film familial, a priori éloigné de ses préoccupations cinéphiles et satiriques. L’expérience l’enjoint au contraire à s’inspirer de son expérience intime pour mieux s’approprier un récit qui brasse à lui seul une bonne flopée de thèmes universels : le passage de l’enfance, la crise d’adolescence, la peur de l’abandon, etc. La production 100% française – cocorico ! –  prévoit un dispositif technique assez lourd puisqu’il s’agit quand même de créer un monde de conte de fées, paré de couleurs chatoyantes, théâtre de scènes épiques. Le résultat à l’écran peut a priori laisser dubitatif : le royaume imaginaire lorgne davantage du côté du parc d’attractions tape-à-l’œil que du château de la Belle au Bois Dormant, du moins tel que décrit dans le conte de Charles Perrault. Et en effet, Hazanavicius dépeint un royaume aussi clinquant qu’artificiel, peuplé d’un bestiaire visuellement grossier (un « Octopluche », un « Lainéphant, etc.), quitte à user de grosses ficelles sans même faire l’effort de les dissimuler. Certes, Le Prince Oublié ne cache pas ses bidouillage numériques pour mettre en scène la projection mentale d’un père qui carbure à l’hyperbole pour les beaux yeux de sa fille. Ces trucs et astuces, donc, se parent d’un attirail « méta », histoire de faire passer la pilule, le cinéaste plantant le décor de son pastiche « pixaresque » à même le plateau de cinéma où lui-même tourne le film en train de se faire. Si donc Hazanavicius nous livre là avec un peu de retard un conte de fées de Noël qui regorge de bons sentiments, quitte à noyer parfois son sous-texte, porte-t-il aussi bien que son prince collerette et collants ? Ou préfère-t-il tout simplement passer l’hiver au coin du feu avec ses proches ? Le réalisateur nous ouvre les portes de son royaume pour nous révéler ses contes de Noël fétiches, des films cultes à regarder toute l’année, ou de préférence à Noël, et surtout en famille.

l’été de kikujiro

Noël, c’est avant tout une période de l’année pendant laquelle les liens familiaux se resserrent, de génération en génération. Ce rapport entre parents et enfants m’évoque la poésie et l’humour de Takeshi Kitano dans son film L’Été de Kikujiro. Bon, certes avec ce titre, on pourrait croire que c’est une oeuvre calibrée pour les grandes vacances, mais je n’en suis pas si sûr. Kikujro est suffisamment drôle et brillant, pas mièvre pour un sou, pour mériter de le redécouvrir à quelques jours des fêtes de Noël. A y réfléchir, je ne suis cependant pas sûr que ça mérite d’être partagé en famille. L’important, c’est que lorsque le film se termine, on arrive pas à sortir de cet univers assez… Cool !

La Chèvre

Ah La Chèvre… Pierre Richard et Gérard Depardieu, un duo de choc du cinéma français ! Voilà un film qu’on peut regarder ensemble, avec les enfants, les grands-parents… Bref, avec un peu tout le monde ! Pourquoi ? Parce que ça fait toujours plaisir à toute la famille au moment des fêtes de se retrouver autour d’un film. Et si c’est une comédie, que demander de plus ? Bon, bien sûr, on est pas là dans la veine la plus transgressive du cinéma. Mais après tout, les vacances, et particulièrement Noël, les fêtes de fin d’année et tout ça, est-ce que ça n’est tout simplement pas fait pour passer un bon moment convivial au possible ? A noter qu’on complètera son après-midi avec Belmondo dans Le Magnifique réalisé par de Broca.

KIKI LA PEtite sorcière

Miyazaki, c’était un choix inévitable, parce qu’avec ses films, c’est un peu Noël toute l’année en vérité. Je les regarde souvent avec mes quatre enfants d’ailleurs. La Petite Sorcière, c’est, je crois, l’un de ses films qu’on peut le plus regarder tous ensemble parce qu’il garde avec les années ce charme inouïe, ce pouvoir enchanteur. Oui, je crois qu’il a un côté magique. Et puis, c’est quand même assez formidable de pouvoir suivre l’itinéraire de cette gamine qui grandit sous nos yeux. Non, vraiment, je pense que Kiki mérite qu’on vienne lui rendre visite pour fêter Noël avec ses enfants et garder avec eux quelque chose de leur magie.

Les enfants du paradis

Je voulais revenir sur ce rapport à l’enfance pendant Noël, notamment au travers des grands-parents qui sont bien souvent la principale source de transmission dans les familles. Je crois que c’est un peu ça aussi avec Les Enfants du Paradis, l’idée raconter une histoire en et à la famille. Le charme du film reste atemporel, et j’en sais quelque chose pour l’avoir montré à mes enfants qui ont un peu rechigné au début à cause du noir et blanc. Peut-être que c’est quelque chose qu’on a un peu oublié à Noël, ou alors sur lequel on devrait un peu plus insister, un moment de l’année où tout le monde se retrouve, où l’on va chez les grands-parents pour qu’on nous raconte des histoires, avec ces grandes tirades, etc.

Les Aventuriers de l’Arche Perdue

Bon, là aussi on reste sur un registre très très familial, avec un film qu’on peut regarder encore une fois tous ensemble. Et puis, Indiana Jones, surtout le premier et le troisième, La Dernière Croisade (avec Sean Connery), ça reste vraiment cool de le regarder à Noël avec ses proches. Je me souviens d’ailleurs l’avoir vu à sa sortie en salle [en septembre 1981]. C’était une nouvelle page de l’histoire du divertissement qui s’écrivait sous nos yeux. Bien sûr qu’on ne vas pas y trouver des chants de Noël comme Jingle Bells ! Mais ça vaut le coup de le regarder à la fin de l’année quand il fait froid parce que c’est dépaysant et que ça donne l’occasion de s’offrir « un bon kif », pardonnez-moi l’expression, tous ensemble et bien au chaud !

The shop around the corner

Lubitsch signe un vrai classique de Noël avec son film The Shop Around The Corner. C’est une oeuvre incontournable, bourrée de charme, et où l’on retrouve bien sûr sa fameuse « touche ». J’aime revenir vers Lubitsch de temps à autre parce qu’il nous montre la vie telle qu’on aimerait qu’elle soit, du moins plus facile qu’elle ne l’est vraiment. Ses personnages, souvent des gens brillants avec de l’esprit,  se démènent face à l’adversité d’une manière assez exemplaire. Ils finissent même par avoir quelque chose de magique en eux. On est pas chez Capra que je trouve un peu trop « christique » et manichéeen à mon goût pour Noël. En fait, je lui préfère définitivement Lubitsch et Wilder, dont La Garçonnière fait partie de mes films préférés.

E.T., l’extra-terrestre

E.T.... Franchement, que dire de plus ? Tout le monde a vu ce film au moins une fois dans sa vie… Enfin, je crois ! Elliott, le vélo, l’extra-terrestre perdu, le téléphone, la mère célibataire, Drew Barrymore, une histoire d’amitié… On revient à ce rapport à l’enfance qui est au coeur de la « problématique » des fêtes de Noël. Cette fois, on a affaire à un vrai film pour les enfants. Mais attention, j’ai l’impression qu’on a un peu trop vite fait de le considérer comme quelque chose de niais avec le temps. Croyez-moi, c’est toujours intéressant de regarder encore et encore ce film, même adulte, parce qu’on y trouve tout un riche sous-texte en filigrane. Vous savez quoi faire, maintenant !

Amour et Amnésie

Drôle de coïncidence : Drew Barrymore, encore une fois ! Je dois vous avouer que je prends le même plaisir à regarder ce film que La Chèvre. Amour et Amnésie me semble  pouvoir s’inscrire dans le même esprit qu’Un jour sans fin de Harold Ramis – parce que soyons sérieux, un Noël sans Bill Murray, ça n’est pas vraiment Noël. La romcom, c’est aussi un bon motif pour Noël. Alors bien sûr, j’aurais pu choisir une autre comédie romantique comme Quand Harry rencontre Sally… Mais je préfère privilégier l’idée du cadeau, de se faire plaisir avec une bonne comédie ! Ce film convient à toute la famille également. Attention, avant de le regarder, vérifiez si vous n’avez pas trop de mal avec Adam Sandler quand même. Pour ma part, je l’apprécie énormément.

Annie

Contrairement à ce que l’on peut croire, la version d’Annie réalisée par John Huston n’est pas exclusivement un film pour les enfants. Je pense qu’il n’est pas non plus considéré à sa juste valeur. C’est une comédie musicale extrêmement bien faite avec des chansons qui parviennent à vous rester en tête pendant longtemps. Aileen Quinn, la petite fille qui interprète le personnage principal, s’avère tout aussi étonnante. Je pense d’une manière générale que j’ai beaucoup de tendresse pour les films à destination des enfants, en fait, comme les productions Pixar, surtout Cars et Coco qui brillent par leur virtuosité technique et scénaristique. Tout ça reste bien marrant et exaltant. Après tout, c’est Noël !

Nos plus belles années

Les fêtes de Noël, c’est le moment de faire un pas de côté nécessaire pour envisager un bilan de fin d’année, souvent en essayant de se mettre à l’écart pendant la frénésie ambiante. On est souvent en vacances, chez ses grands-parents par exemple. Cet éloignement permet d’avoir du recul sur ce qui nous semble important. C’est pour ça que j’apprécie tout particulièrement de regarder des grandes fresques comme Nous nous sommes tant aimés de Sidney Pollack qu’on classe un peu trop hâtivement comme une comédie romantique. C’est peut-être une belle histoire d’amour, mais elle n’est pas forcément joyeuse. Pour cette raison, j’aurais plutôt tendance à regarder ce film en couple, même si ça aide pas mal à l’introspection, comme un autre film du même genre, Nous nous somme tant aimés, du grand Ettore Scola.

* Propos recueillis par téléphone, en décembre 2019.

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