On avance sur le tapis à motifs oranges et bruns du célèbre The Shining (1980) jusqu’à une première salle occupée par un écran principal, lui-même entouré de deux écrans sur chacun des côtés. Placé au centre de la pièce, à regarder ces extraits de films qui défilent, composés principalement de travelling en avant, on se sent aspiré dans la perspective particulière de Stanley Kubrick et dans la symétrie de ses plans. On plonge dans l’esprit du grand Kubrick, réalisateur perfectionniste d’à peine 13 films en 50 ans de carrière, de ses œuvres parfois poétiques, parfois dérangeantes, et le plus souvent admirées.
Ainsi commence l’exposition sobrement intitulée Stanley Kubrick : The Exhibition au Design Museum de Londres, qui se tient jusqu’au 15 septembre 2019. Pour les 20 ans de la mort du réalisateur, le directeur du musée, Deyan Sudjic, a organisé cette exposition aux côtés de Marian Willer, designer graphique et réalisatrice. La présence de cette exposition à Londres n’étonne pas lorsque l’on sait tout l’intérêt que Kubrick avait pour l’Angleterre. La maison où il vécut jusqu’à sa disparition se situait ainsi dans le Hertfordshire. Nombre de ses films furent également tournés à Londres, sans que l’on ne puisse le soupçonner, comme les scènes de bataille au Vietnam dans Full Metal Jacket (1987) entièrement reconstituées à Beckton Gas Works. Cependant, l’exposition ne se concentre pas seulement sur la présence de la capitale britannique dans les films de Kubrick : elle couvre toute la carrière du réalisateur, de son premier succès à son dernier film jamais réalisé sur Napoléon, en insistant plus particulièrement sur le design. Le visiteur peut donc suivre pas-à-pas le travail de préparation effectué Kubrick en amont du tournage, la production puis le montage, sans oublier la publicité.
Un parcours thématique
L’exposition se décompose en plusieurs parties, qui suivent l’évolution complète du réalisateur en s’intéressant tout d’abord à la création de ses films, en nous plongeant tout d’abord dans la bibliothèque de Kubrick dédiée à Napoléon, avec en arrière fond sonore des interviews du réalisateur. On pourra également découvrir ses outils de travail tels ses caméras, sa table de montage, des scenarii, ou bien encore ses plannings de tournage. Après cette première partie en guise d’introduction au travail du réalisateur, le parcours nous mène droit au coeur de ses films dans les salles suivantes. Contrairement à certaines expositions organisées précédemment sur le réalisateur, Deyan Sudjic n’a pas souhaité organiser son exposition en fonction d’un ordre chronologique, mais plutôt thématique.

© Ed Reeve for the Design Museum
Un parcours singulier
La première partie s’intéresse ainsi aux films de guerre du réalisateur : Paths of Glory (1957), Spartacus (1960), et Full Metal Jacket (1987) qui bénéficie pour l’occasion d’un éclairage singulier. On retrouvera ainsi des accessoires du film, tels que des drapeaux ou le casque Born-to-kill fièrement arboré par Joker, mais aussi des explications sur le tournage à Londres, ou les premiers essais pour l’affiche du film. Le spectateur découvre ensuite les salles consacrées aux films controversés du réalisateur, comme Lolita (1962) et Orange mécanique (1971). Cette partie s’intéresse d’ailleurs clairement plus au chef d’oeuvre dystopique du maître, avec notamment les célèbres statues visibles dès l’ouverture du film. Plus simplement, la suite de l’exposition se concentrera individuellement sur certains de ses films – The Shining (1980), Eyes Wide Shut (1999), Docteur Folamour (1964), Barry Lydon (1975), et pour finir, 2001, l’Odyssée de l’espace (1968). La salle concernant The Shining se révèle être l’une des plus complètes, avec de nombreux costumes (les robes des jumelles jouées par Lisa et Louise Burns), des accessoires (des haches plantées au mur, la machine à écrire, et d’autres), ainsi qu’une reproduction miniature du labyrinthe. La salle de Docteur Folamour concernera plutôt ceux intéressés par la création du décor de la war room, tandis que la partie sur Barry Lyndon s’intéresse aux conditions de tournage, avec le choix singulier de Kubrick de filmer en lumière naturelle, avec des bougies. Dans la salle finale dédiée à 2001, l’Odyssée de l’espace, on se retrouve plongé dans l’univers futuriste du film, avec la reproduction de l’un des décors du film, ainsi que de nombreux accessoires, comme le costume d’astronaute ou l’une des combinaisons de singe.









© Ed Reeve for the Design Museum
Le Salaire du zappeur
L’exposition parvient à nous immerger totalement dans les œuvres à l’esthétique singulière de Stanley Kubrick. Chaque salle abrite un univers singulier, où le regard curieux du spectateur trouve aisément à se perdre, l’oreille à écouter et à apprendre. On ne peut au final s’empêcher de ressentir un petit pincement de coeur en voyant la dernière porte surmontée d’un panneau indiquant « The end ». Pourtant, et l’exposition le confirmera, les films de Kubrick gardent encore leur caractère ambitieux, autant visuellement ou techniquement. Ainsi, il n’était pas étonnant de voir des groupes de visiteurs s’arrêter devant les écrans diffusant des extraits des films du réalisateur pourtant maintes fois déjà vus. Que l’on apprécie réellement ses films ou non, il y aura décidément toujours quelque chose qui retiendra notre attention.
Je défie quiconque tombant sur un film de Kubrick en zappant de changer de chaine – j’ai compris que cela est impossible.

STANLEY KUBRICK : THE EXHIBITION
Design Museum
224 – 238 High Street Kensington
London
W8 6AG
Métro : High Street Kensington
HORAIRES
Du 26 avril au 15 septembre 2019
10h – 18h
TARIF
16£
