Exposition Divine Marilyn

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Exposition Divine Marilyn

L’été sera chaud…. Et c’est ainsi que certains l’aiment, non ? De quoi donner envie de s’aérer la lingerie sur les bouches de métro soufflantes de la capitale. Ou de se rendre à la Galerie Joseph, qui inaugure un cycle très poupoupidou, une trilogie visuelle dédiée à Marilyn Monroe : une exposition de photos (Divine Marilyn), une installation contemporaine (Update Marilyn) et une pièce de théâtre à la rentrée. Un projet ambitieux -enfin !- sur la Blonde majuscule dont nous avons exploré les deux premières étapes.

N’a-t-on pas déjà tout dit, tout montré sur Marilyn Monroe ? A quoi bon une nouvelle exposition sur celle que l’on disait être « la femme la plus photographiée au monde » et dont le portrait se décline encore sur des tasses, des briquets, des serviettes de plage, plus d’un demi-siècle après sa mort ? A en croire le monde qui se presse à la Galerie Joseph en ce soir de vernissage, Marilyn Monroe n’est pas de ces stars dont l’aura s’estompe d’être banalisée. Les décennies semblent au contraire avoir apporté à son image la densité que la femme, l’actrice, rechercha en vain toute sa courte carrière. De ce constat, la Galerie Joseph a tiré l’angle de sa nouvelle exposition, Divine Marilyn : la construction d’un culte par l’image, le passage du statut de femme à celui d’idole par la photographie. Un travail fascinant et dénué de tout cliché (autre que photographique, bien entendu).

© De Dienes

Une histoire d’amour

Comme une histoire d’amour, l’exposition commence sur une rencontre. On nous présente une jeune fille aux cheveux épais et aux joues enfantines, mal dégrossie pourrait-on dire et pourtant rayonnante sur de simples photos de famille. Norma Jean Baker, Norma Jean Mortensen, Norma Jean Dougherty : Marilyn avant Marilyn. La future blonde incendiaire n’était alors que la fraîcheur d’un sourire. Les photos sont émouvantes car méconnues, belles car spontanées, et l’on recherche dans ses traits innocents la promesse de l’inégalée célébrité à venir. Mais voici que déjà s’intéressent à elle les agences de mannequinat. Norma Jean devient alors une silhouette, 1m65 et 53kg, 91-60-86, des « dents parfaites » mais des « cheveux trop bouclés et indisciplinés : coloration et permanentes conseillées ». La lecture a posteriori de ce premier contrat ne manque pas de piquant. Au fil des couvertures, la jeune femme se blondifie, se bombifie, se retouche, se fait rassurante pour vendre des billets d’avions et fatale pour des cigarettes. Voilà, Marilyn est née ; elle a appris à parler aux appareils photo (celui d’André De Dienes, en particulier), à attendre les flashs sans ciller.

L’exposition laisse ici son introduction chronologique pour entrer dans le vif de son sujet : les trois photographes qui ont fait le mythe Monroe.

© Sam Shaw Inc., courtesy Shaw Family Archives, Ltd.

Sam Shaw : Marilyn intime

A être regardé ainsi, n’importe qui serait tombé amoureux. Sur les portraits de Sam Shaw, Marilyn est une femme heureuse, tout juste mariée au grand écrivain Arthur Miller. Le Prix Pullitzer est grand, renommé, mais semble se noyer dans ces yeux bleus que les lumières de New-York font scintiller. Ensemble, ils sont beaux comme tous les amoureux, peut-être un peu plus tant le regard de Shaw fait des merveilles dans l’intime. Pendant dix ans, de 1952 à 1962, celui-ci a su capter Marilyn dans ses moments les plus tendres, les plus simples, loin du flonflon d’Hollywood. C’est pourtant à lui que l’on doit le cliché qui rendra Monroe immortelle, celui d’une petite culotte blanche découverte par le passage d’une rame de métro sur le tournage de 7 ans de réflexion (1955, Billy Wilder). Si sa déclinaison sur tout un pan de mur s’explique par son importance, cette photo culte n’est pas la plus intéressante et l’on regrette même son utilisation en affiche pour promouvoir l’exposition – c’est là le seul dérapage de cette dernière dans la facilité.

© Sam Shaw Inc., courtesy Shaw Family Archives, Ltd.

Qu’importe, les trésors sont là : les sensuelles photos de loges de 1955, mais surtout la série champêtre de 1957 où une Marilyn naturelle rivalise de beauté avec les fleurs… Dans un angle, un cliché insolite passe presque inaperçu. On y voit Marilyn batifolant dans les vagues, surveillée par un Arthur Miller en marcel blanc et short, canne à pêche à la main… Magique.

MILTON GREENE : MARILYN ACTRICE

S’il est un homme qui a cru au talent de Marilyn Monroe, à sa capacité à sortir du rôle de la bombe a(na)tomique pour changer de peau comme de tenue, c’est bien Milton Green. Photographe, partenaire en business, ami avant tout. Comme un contrepoint à la Marilyn naturelle de Shaw, lui aimait à la grimer et à la décliner. Tels des enfants turbulents, ils s’introduisaient dans les réserves de costumes des studios et improvisaient des séances autour de ce qu’ils y trouvaient.

Devant l’objectif de Greene, Marilyn est une gitane, une ballerine, un flocon de neige drapé dans un peignoir sur un cliché monochrome, étoile blanche sur fond blanc, d’où seules se détachent des lèvres sanglantes. Milton Greene a surtout réussi l’exploit de la rendre mystérieuse, elle qui était la femme la plus connue au monde, dans une série de photos en noir et blanc qui gomment les ondulations des seins pour mieux souligner le galbe des jambes résillées.

© 2019 Joshua Greene http://www.archiveimages.com

© 2019 Joshua Greene http://www.archiveimages.com

Monroe, icône arty. Quelques clichés rares dévoilent le versant privé de cette amitié durable : des selfies (déjà !) mettant en scène l’icône et le photographe, ainsi que quelques photos de famille. Marilyn y boit le thé, joue avec le fils de Greene, transpire la joie des bonheurs simples.

© Bert Stern Estate/Staley-Wise Gallery, New York/ Courtesy Galerie Dina Vierny, Paris

Bert Stern : Marilyn mythique

Elle était la plus grande des stars, mais c’est d’avoir réussi sa sortie qui a fait d’elle un mythe. Marilyn, blonde suicidée, blonde assassinée, en tout cas victime des hommes et d’un monde trop cynique pour elle. C’est cela qui se lit dans les clichés de Bert Stern, ces portraits d’une actrice défraîchie qui exhibe frontalement ses excès, ses taches de rousseurs et de vieillesse, ses cicatrices et ses rides. Son maquillage est lourd comme un masque mortuaire. 

Marilyn écarte les photos indésirables d’un trait de feutre qui dessine un crucifix sur son corps nu. Cette séance photo, la dernière sans le savoir, dévoile le crépuscule de l’idole. Rideau. Le rappel aura lieu deux mois plus tard, le 5 août, lorsque la presse relaiera la photo du lit défait par la star défunte. Les draps sont blancs et froissés comme sur les photos de Stern. Echo troublant. Seule manque Marilyn, en tenue d’Eve, et c’est pourtant ainsi qu’elle fut trouvée. Comme figée dans cette dernière séance.

© Sam Shaw Inc., courtesy Shaw Family Archives, Ltd.

L’exposition Divine Marilyn est bouleversante et généreuse. Aux trois espaces dédiés aux photographes s’ajoutent des corners thématiques concernant son voyage auprès des soldats lors de la Guerre de Corée, l’utilisation de son image dans la pop culture, son versant pin-up ou le tournage de 7 ans de réflexion. En tout, plus de 200 photos réparties sur 850m2 et que vient compléter Update Marilyn, une installation contemporaine et interactive en accès libre sur le trottoir d’en face. La Galerie Joseph fait preuve d’un vrai travail de documentation et de sélection des œuvres, d’un respect constant pour le modèle. Marilyn n’y est pas qu’un simple argument marketing pour attirer les visiteurs, sinon un véritable sujet pris avec sérieux. « Please don’t make me a joke », demande-t-elle un jour. « I don’t mind making jokes but I don’t want to look like one. » Promesse tenue. Pour sortir de la galerie, le visiteur repasse devant les toutes premières photos, celles de la jeune Norma Jean rêvant de mannequinat, et mesure ainsi le chemin parcouru.  Divine, vraiment.

DIVINE MARILYN

du 9 juillet au 22 septembre 2019

Galerie Joseph
116 rue de Turenne
75003 PARIS

Métro : Saint-Sébastien-Froissart

Horaires

Tous les jours, de 10h à 20h
Nocturnes jusqu’à 22h, les vendredis et samedis

Tarifs

Plein tarif : 12€
Étudiant : 8€

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