Inspiré de l’histoire vraie du chanteur de rock chrétien Jeremy Camp, J’y crois encore réunit tous les ingrédients et rebondissements propres à la comédie sentimentalo-dramatique américaine arrosée d’eau bénite. Saje, distributeur du film sur le marché français, semble vouloir s’imposer comme le pape de la romance tire-larmes dans la mouvance chrétienne. Malgré sa formule magique qui oscille entre romance et drame, J’y crois encore peine à dissimuler de sérieux signes de fatigue tant on n’arrive plus vraiment à voir ce qui distingue ce film d’un autre du même genre. Si chaque film est un repas, alors on ressort de celui-là rapidement avec une indigestion causée par ce genre de gros gâteau à la crème périmé qu’on trouve d’ordinaire dans les magasins d’alimentation générale.
J’Y CROIS ENCORE… EN BLEU ET ROSE
A quoi tient la formule d’une comédie sentimentalo-dramatique réussie ? Il faut d’abord trouver une bonne histoire sur deux êtres (généralement humains) qui s’aiment. Le sort viendra plus tard perturber leur idylle avec acharnement. Mais pour que cela fonctionne, exit les problèmes financiers et place à une vie parfaite avec des musiques pop sirupeuses pour surligner leurs émotions monolithiques toutes les dix minutes. Ce monde peint en bleu et en rose ne laisse la place qu’à une seule et unique préoccupation : l’amour, bien sûr ! Le drame ne surgit qu’après cette première avalanche de bons sentiments… Car il faut bien finir par pouvoir verser toutes les larmes de son corps et s’apitoyer sur le pauvre couple victime d’une expérience traumatisante. Dans cette histoire « vraie » (oui, le public américain aime les histoires inspirées de « faits réels »), on suit la carrière naissante du chanteur populaire Jeremy Camp, un chrétien évangélique porté sur le rock scandé au rythme des « Hallelujah ». Jeremy rencontre une belle jeune femme, Melissa Lynn Henning, dont il tombe fou amoureux au point de se marier avec elle malgré le cancer des ovaires qu’on lui a diagnostiqué. Ainsi commence la traversée des enfers ponctuée d’instants « cul-cul » et « badant ». Réaliser un film dans le filon nécessite aussi de trouver un réalisateur « formaté », du genre « abonné » aux sombres histoires romantiques sur des personnages aux cœurs fragiles qui décident de tomber amoureux, n’en déplaise au drame cataclysmique qui s’apprête à leur tomber sur la tête jusqu’à détruire le bonheur tant convoité… Ici, la tâche incombe non pas à un mais à deux réalisateurs, les frères Andrew et Jon Erwin, surtout « connus » pour leur documentaire The Cross and the Towers (2006), énième récit du 11 Septembre qui apporte un éclairage pénétré de sainteté sur les attentats newyorkais.

© Michael Kubeiy

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FAUT-IL ENCORE Y CROIRE ?
Dernière étape cruciale dans notre recette : le choix des interprètes principaux. Il est d’une importance primordiale de dénicher un couple « pop et mignon » pour faire fondre le cœur des spectateurs en émoi. K.J. Apa (The Last Summer, W. Bindley, 2019) et Britt Robertson (A la poursuite de demain, B. Bird, 2015) forment un joli petit couple d’amoureux plus fort que tout malmené par de rudes épreuves. La justesse des deux acteurs communique certainement un flot d’émotions, notamment dans les séquences intimistes comme ce rencard idyllique qui ne se finira pas par des embrassades (film religieux oblige) mais par des regards intenses. La production leur adjoint deux gages de qualité en recrutant à leurs côtés Gary Sinise, célèbre Lieutenant Dan dans Forrest Gump de Robert Zemeckis, qu’on n’avait pas vu depuis bien longtemps au cinéma, et la chanteuse de country mondialement connue, Shania Twain, qui se retrouve à zozoter quelques répliques à cause d’une injection de botox excessive dans les pommettes. Andrew et Jon Erwin se doivent de respecter le cahier des charges du genre – ce qu’ils font. Et pourtant, la sauce ne prend pas.
J’y crois encore est malheureusement d’une effroyable banalité longue de presque deux heures. Ces quelques 120 minutes ne parviennent jamais à capter l’attention du spectateur. Dans leur rôle d’objecteurs de conscience, les frères Erwin ne délivrent qu’une œuvre purement illustrative, voire de propagande inappropriée, triste cache-misère en l’absence totale de point de vue. La seconde partie du film (principalement consacrée aux ovaires cancéreux) sera encore bien pire que tout ce qu’on aurait pu imaginer ou craindre du pathos attendu. La paresse scénaristique franchement risible écoeure plus qu’autre chose. Toutefois, J’y crois encore contient heureusement de jolis moments et une belle distribution bien nécessaire pour nous faire succomber de temps en temps au charme de cette énième love story sans saveur, si ce n’est celle de l’hostie. Faut-il croire encore à ce genre d’histoire d’amour « vraie » globalement ratée qui s’appuie sur un scénario très paresseux malgré l’interprétation sincère de ses comédiens ? On s’ennuie beaucoup et on se surprend même à vouloir regarder un téléfilm M6 après un tel calvaire (christique).

© Saje
J’y crois encore (I Still Believe, 2020 – États-Unis) ; Réalisation : Andrew et Jon Erwin. Scénario : Jon Erwin et Jon Gunn. Avec : K.J. Apa, Britt Robertson, Nathan Parsons, Abigail F. Cowen, Shania Twain, Gary Sinise, Melissa Roxburgh, Tanya Christiansen, Terry Serpico et Nicolas Bechtel. Chef opérateur : Kristopher Kimlin. Musique : John Debney. Production : Kevin Downes, Jon Erwin, Andrew Erwin, D. Scott Lumpkin, Jon Gunn et Tony Young (XVIII) – Lionsgate et Kingdom Comes Picture. Format : 2.39:1. Durée : 116 minutes.
Disponible en VOD le 4 juin 2020.
Copyright photo de couverture : Michael Kubeiy/Gone Hollywood.