Extremely Wicked, Shockingly Evil and Vile

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« On se souviendra de ceux qui commettent un crime, un jour, de tous les chasseurs de primes, et puis d’oublier la vie d’un homme extraordinaire. » Nuançons le propos de la chanson des Innocents : les exemples de vertus et de courage ont toute leur place dans la postérité. Sur les collines d’Hollywoood notamment, on aime les récits d’abnégation, de résilience et de courage. Ce que dit bien la chanson, malgré tout, c’est ce voyeurisme crade qui nous pousse vers l’obscène, le sanglant, le violent, l’interlope, et grâce auquel le salaud est aujourd’hui un héros comme un autre. Certains y verront peut-être l’envie pour les médias actuels de renouer avec la fonction cathartique originelle du théâtre… Passons. La plateforme Netflix s’est presque fait une spécialité de cette déambulation sur la corde raide de la morale en proposant des playlists entières de films et documentaires trash sur le fond comme sur la forme. Narcos, qui mêle assassinat et attentats en toute décontraction, en est un des exemples les plus parlants, tout comme la série documentaire lancée en début d’année sous le titre affriolant de Ted Bundy : Autoportrait d’un tueur. Passions frissons.

Pour traiter l’horreur, deux angles s’offrent à vous : celui de la justice et de l’enquête (traquer le mal et le punir, rétablir l’ordre du bien… un schéma auquel se prête avec succès les séries policières) et celui de la genèse (l’objectif étant alors de détricoter la vie du hors-la-loi pour expliquer sa désertion du monde des hommes moraux). Rendons grâce à ce nouveau film criminel d’essayer une troisième voie : celui de l’entourage. Le fameux Il semblait pourtant si normal et autres Jamais je n’aurai imaginé que… Extremely Wicked se dit en effet adapté du livre d’Elizabeth Kendall, pauvre jeune fille qui découvrit peu à peu et en même temps que l’Amérique entière les atrocités commises par Ted Bundy. A une différence près : Bundy était alors son fiancé. Le film a donc la jolie particularité de se construire autour d’une « femme du monstre » ignorante de son statut. Jamais complice, victime elle-aussi. De là une mise en scène volontairement sobre et intimiste qui ne montre aucune scène de crime, aucune déambulation sur fond de musique pesante dans les couloirs de la mort, mais qui privilégie à l’inverse les scènes soulignant la soudaine difficulté du quotidien. Les regards des collègues et des amis changent, entre suspicion et pitié ; la photo sur le bureau qui, hier encore, illustrait le bonheur familial a désormais la violence d’un doigt accusateur. N’as-tu rien vu ? Qu’il est difficile de se sentir plus coupable que le coupable lui-même ! Plus que l’affaire Bundy (très superficiellement traitée), le film montre la douleur et la reconstruction progressive de cette femme (interprétée avec grâce par Lily Collins), en parallèle des différentes condamnations qui écrasent progressivement son ex-compagnon. Chaque fois qu’un jury déclare Ted Bundy coupable, elle accepte de se trouver un peu plus innocente. Elle a besoin de le voir mourir pour renaître.

Compte tenu de cet angle, on est en droit de s’étonner d’un titre qui, faisant écho à la déclaration finale du juge ayant condamné Ted Bundy à mort, insiste sur l’horreur des crimes commis par ce dernier. Pourquoi titrer sur des atrocités que les images se refusent constamment à traiter frontalement ? Qui est donc le véritable protagoniste du film : Elizabeth ou Bundy, la victime ou le bourreau ? Retour de l’inextricable dilemme du genre. La réponse n’est jamais tranchée et fragilise grandement l’ensemble qui navigue toujours entre l’affaire et le couple, le public et le privé, et finit par se montrer superficiel sur tous les fronts. Il semble ainsi bien compliqué, pour un public non-américain, de saisir l’ampleur de l’affaire Bundy par le seul visionnage de ce film. En faisant le choix de la sobriété, Extremely Wicked refuse à cette enquête et à ce personnage leur caractère hors-norme. On s’étonne d’ailleurs de la longueur de la liste des victimes inclue au générique, tant elle semble déconnectée de ce qui vient de nous être montré.

Canaille et caméléon, as de l’évasion, Ted Bundy a ridiculisé les institutions pénales et s’est converti en rock star des tribunaux, provocant l’hystérie à chacune de ses apparitions. Son procès sera d’ailleurs le premier à être diffusé par les télévisions de tout le pays, auxquelles le présumé coupable offrira un one-man-show mégalo en assurant sa propre défense et en jouant de son charme auprès de groupies en larmes. Son exécution prit elle aussi des allures de fêtes de village, avec ses chants et ses rires et ses pancartes décérébrées. « Burn, Bundy, Burn ! » Bundy fut sans doute le premier criminel à s’être ancré dans l’ère médiatique. Rien de tout ceci ne transparaît dans le film, qui présente un Ted (Zac Efron, impeccable) tellement calme qu’on en viendrait à le croire sincère dans la négation de ses crimes, dont on a par ailleurs du mal à percevoir l’ampleur et la nature abjecte. Il paraît donc nécessaire de visionner en parallèle la méticuleuse série documentaire Ted Bundy : Autoportrait d’un tueur, signée par le même réalisateur Joe Berlinger et qui offre un contre-point historique et judiciaire plus que bienvenu.

Extremely Wicked laisse donc un arrière-goût étrange, une fadeur inattendue compte tenu du sujet qu’il entendu traiter. Une preuve supplémentaire que l’équilibre est toujours précaire entre la nécessaire pudeur pour les victimes et le voyeurisme du téléspectateur, entre le rejet et la fascination qu’exerce de tels personnages. Le générique final renforce ce trouble en coinçant la liste des victimes (longue et anonyme comme un monument commémoratif) entre moult informations et vidéos d’archives du Ted Bundy Show. L’essai de changer de point de vue a donc échoué par faute de maîtrise. L’intention, elle, était indéniablement louable.

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