Impossible de passer à côté du cadeau de Noël de Netflix, un Film Volant Non Identifié qui fait beaucoup parler de lui. Don’t Look up : déni cosmique est, en effet, à mi-chemin entre le film catastrophe et la comédie absurde. Quand la fin du monde approche Adam McKay choisit l’humour, il réunit un casting étoilé et compose une fable haut en couleurs qui nous renvoie à nos excès, nos folies, nos peur et notre incapacité à écouter et réagir. Ce film tout en métaphore joue aux équilibristes entre démonstration et satire, parodie et réalisme, sérieux et farce, mais après un départ à toute vitesse le film trébuche, s’allonge et peine à atteindre le firmament.
Ça commence comme un film catastrophe classique : une nuit comme les autres, alors que le monde est endormi, dans un modeste observatoire, un groupe d’étudiants et leur professeur découvrent qu’une comète tueuse de planète se dirige droit vers la Terre menaçant la destruction totale du monde et de toute forme de vie. Le compte à rebours est enclenché, il reste six mois. Six mois pour convaincre, agir et sauver ce qui peut l’être. Ainsi débute la fable d’Adam McKay, réalisateur de The Big Short (2015) et de Vice (2018) dans lesquels il décrivait déjà le déni et la stupidité qui entourent l’imagerie publicitaire et médiatique. Toute fable a sa morale, celle-ci ne fait pas exception, McKay place devant notre monde un miroir déformant (pas tant que ça) pour nous donner à voir une métaphore de l’urgence de la crise climatique et souligne l’apathie et l’inaction des décideurs politiques. McKay met le burlesque et l’outrance au service de la satire en tentant d’éveiller le grand public à la catastrophe. Le film se hisse dans le Top 3 des meilleures audiences de la plateforme deux semaines après sa sortie et rencontre ainsi un large succès : l’écocinéma populaire à la McKay est un pari réussi.
Un casting galactique
Pour mêler comédie et catastrophe, drôlerie et inquiétude, panique et burlesque McKay s’offre un casting cinq étoiles (sans jeu de mot). Il dégaine l’atout comique du film : le duo Meryl Streep – Jonah Hill. Elle brille en version féminine de Trump occupée à camoufler les scandales de son parti et concentrée sur les élections de mi-mandat prête à tout pour atteindre son électorat. Lui est parfait dans le rôle du fils insupportable, matérialiste et tristement idiot. L’inaction et l’aveuglement courtermiste des politiciens se juxtapose au bruit des journalistes. Cate Blanchett, à peine reconnaissable, et Tyler Perry nous offrent des scènes de plateaux terrifiantes de réalisme : du brouhaha, du choc, du buzz, des blagues, dans lesquels le discours rationnel des scientifiques se noie. Mark Rylance nous offre, quant à lui, une superbe interprétation du milliardaire de la tech aux élans humanistes (mais pas trop quand même). Ce superbe casting entoure le cœur de cette comédie : le duo de scientifiques incarnés par Jennifer Lawrence et Leonardo DiCaprio. Ces acteurs ne sont pas choisis au hasard et sont connus pour leur engagement en faveur de l’environnement. McKay peut ainsi s’appuyer sur la persona de ses acteurs qui incarnent à merveille ce binôme de scientifiques incapables de d’exprimer et de faire entendre leur discours dans le chaos bruyant et dégénéré qu’est devenue la société. Ils vont ainsi de tentatives en tentatives et d’échecs en échecs. Leonardo DiCaprio flirte avec le burlesque en adoptant un jeu plein de tics et d’agitation physique qui traduisent l’angoisse et cette impossibilité de dire. McKay appuie la panique de ses personnages par un montage en coupe rapide et un rythme soutenu qui nous attrape pendant la première partie du film. Cependant, comme beaucoup de productions Netflix, le rythme si puissant au début du film s’essouffle progressivement et la tension redescend comme un soufflé. Est-ce dû à une fin attendue ? En effet, pour que le film ait un peu de sens et ne bascule pas totalement dans la comédie burlesque la fin doit être brutale. Une happy end ne serait pas bienvenue à la fin de cette satire ainsi, le film est bien lancé avant de rencontrer un trou d’air d’une vingtaine de minutes pendant lesquelles l’histoire n’avance pas et les personnages semblent, comme le spectateur, attendre le dénouement nécessairement tragique.


Une satire efficace ?
La métaphore de notre propre aveuglement face à la crise climatique trouve ses limites malgré un casting au sommet. McKay excelle dans la représentation à peine exagérée de notre propre société portée par une confusion qui rend impossible la distinction entre le vrai et le faux, le court terme et le long terme, l’information et le mensonge. En cela, la satire fonctionne parce qu’elle nous renvoie au brouhaha qui empêche tout discours rationnel sur l’urgence climatique est témoigne d’une tendance au dénigrement du discours scientifique amorcée, ou rendue visible, avec la pandémie actuelle. Cependant, l’équilibre entre comédie et burlesque, démonstration et absurde est fragile. Loin du Docteur Folamour (1964) de Kubrick, l’efficacité politique du film est mitigée, le scénario et la mise en scène penchent trop du côté de la démonstration quand McKay semble nous indiquer ce que nous devrions êtres, c’est-à-dire inquiets et prêts à agir à n’importe quel prix pour sortir de situations toujours trop ou pas assez absurdes. Ainsi, le film, comme pour ne jamais trop s’éloigner de son propos réel, nous rappelle sans cesse que la situation ressemble beaucoup à celle que nous vivons et les ficelles de la comparaison sont tellement visibles que l’on peut voir le gros doigt pointé sur l’écran qui nous dit « Attendez, vous riez mais c’est de votre monde que l’on parle dans ce film. La comète n’est qu’une métaphore de la crise climatique ». De plus, la métaphore semble mal choisie. En effet, comment comparer la crise écologique et les dégâts irréversibles déjà causés avec un événement final et radical comme la chute d’une comète ? Cela n’a pas une grande importance il s’agit juste d’une comparaison cependant ce choix à un impact direct sur le scénario. Les personnages sont animés par une obsession techniciste : comment faire exploser la comète, comment l’exploiter, la dévier, etc. En cela, McKay passe à côté d’une occasion de présenter une réflexion fine sur le changement climatique et les actions concrètes et quotidiennes qui pourraient l’endiguer.
En tant que divertissement, Don’t Look Up est une réussite totale, le casting porte brillamment un scénario bien rythmé (malgré quelques longueur) et le résultat est un bon film que l’on regarde jusqu’au bout avec plaisir. Néanmoins, la satire politique, bien que réussie sur la forme peine à trouver un fond solide et pertinent sur lequel s’appuyer. Avec ce film, Netflix nous offre un joli cadeau de Noël malheureusement bien vite disparu de nos suggestions.
A la production : Adam McKay, Kevin J. Messick, Jeff G. Waxman, Scott Stuber pour Netflix et Hyperobject Industries.
Derrière la caméra : Darren Lynn Bousman (réalisation). Pete Goldfinger, Josh Stolberg et Chris Rock (scénario). Linus Sandgren (chef opérateur). Nicholas Britell (musique).
A l’écran : Leonardo DiCaprio, Jennifer Lawrence, Meryl Streep, Cate Blanchett, Rob Morgan (IV), Jonah Hil, Mark Rylance, Tyler Perry.
Sur Netflix le : 24 décembre 2021.