On s’habitue à voir Noah Centineo jouer dans presque toutes les comédies romantiques Netflix. Pourtant sa présence n’assure pas forcément une réussite. The Perfect Date suit une formule bien rodée et l’adapte avec aisance à notre époque. Avec un personnage qui passe la majorité du film à jouer des rôles choisis sur mesure par ses clientes, la résolution apparait comme l’acceptation de ce qu’il est. Malheureusement, la question sur son identité continue de se poser lors du défilement du générique de fin.
Le film s’ouvre sur la lecture de la lettre de motivation de Brooks (Noah Centineo) qui nous offre une description rapide et efficace du personnage avec son lieu de travail – Subway -, son père écrivain raté quitté par sa femme, et son meilleur ami, Murph (Odiseas Georgiadis) présenté comme un side-kick. Brooks veut changer le monde, et faire des sandwichs toute la journée lui parait être un obstacle, mais surtout il ne sait pas quoi ou comment changer. Même en se comparant, sans humilité, à Steve Jobs ou Ellon Musk, il ne montre aucun exemple de ses efforts ou de son travail. La réaction de sa conseillère n’étonnera donc pas : on ne voit pas sa réelle personnalité dans son texte. Plus que la relation amoureuse, la problématique du film se porte sur cet instant. Brooks doit réussir à écrire une lettre de motivation qui lui ressemble, et ne pas emprunter à d’autres – comme il le fait en se comparant à ses idoles.
L’idée de l’application apparait alors comme habile : pour le côté comédie romantique, permet d’expliquer la présence majoritaire de fêtes plutôt que des cours, et pour la quête d’identité, met en avant son problème de façon divertissante. Evidemment, on ne peut échapper au montage style Pretty woman avec les essais vestimentaires de Brooks, mais cette partie du film fonctionne. En assumant l’absurde de sa situation avec les tenues loufoques, on nous enlève de l’esprit toutes les questions que l’on pourrait avoir sur un tel business. Les rendez-vous de Brooks n’apparaissent pas vraiment à l’écran ; on voit sa préparation mais pas le date en lui-même, ou la cliente. Pourtant, l’une des seules les plus touchantes, peut-être la seule même, est l’un des rendez-vous de Brooks avec une vieille dame ayant perdu récemment son mari. Leur discussion fonctionne, parait réelle. Ces discussions entre inconnus auraient pu être travaillé puisqu’elles mettent en avant un travail presque de thérapie de Brooks et pouvait convenir avec le sujet de la quête d’identité.
Le film préfère se concentrer sur ses rendez-vous avec Celia (Laura Marano), sa première cliente avant la création de l’application. Pour une comédie romantique, on comprend ce choix bien sûr, mais encore une fois l’exécution rate de peu. Brooks et Celia se voient pour la première fois lorsque les parents de celle-ci le paient pour l’amener au bal de son école. Brooks fait preuve de grand professionnalisme, au point où on peut se demander si on voit sa réelle personnalité ou une façade commerciale. Et malgré ses attentions, Celia termine sa soirée en colère en s’enfuyant dans sa chambre. On ne peut donc dire que leur première rencontre se passe bien.

De plus, Brooks tombe sous le charme d’une camarade de classe de Celia, Shelby (Camila Mendes). Plus tard, Celia révèlera son attirance pour un autre personnage, Franklin. Cette dynamique permet de consolider une relation amicale avant une relation amoureuse entre les deux personnages principaux. Cela pourrait être intéressant si les personnages passaient réellement du temps ensemble et dans des conditions différentes. La majorité du film, Brooks espère sortir avec Shelby, tandis que Celia a un rendez-vous avec Franklin. Durant cette période, le film ne nous offre peu de scènes romantiques qui pourraient nous faire espérer pour le couple principal. Bien sûr, le couple se retrouvera au final, mais si le spectateur ne l’espère pas, à quoi bon ? Aussi, trois de leurs rendez-vous sont une mise en scène en tant que faux couple. Bien que Brooks ne lui mente pas sur son identité, on peut voir son manque d’honnêteté puisqu’il prend son travail très à cœur. Par exemple, pour leur rupture, il prépare des listes de reproches qui affecte Celia. Difficile de savoir lorsqu’il agit par lui-même ou pour son travail en tant que rendez-vous parfait.
Ce défaut ne se pose pas seulement avec sa relation avec Celia, mais aussi pour sa représentation aux spectateurs. En effet, on se pose autant la question que Brooks que de savoir qui il est réellement. Pour les spectateurs, Brooks garde autant son image lisse et commerciale que pour ses clientes. On tente d’épaissir son personnage avec un passé malheureux avec l’abandon de sa mère. Cet ajout scénaristique n’apporte rien au film, puisqu’on pourrait le retirer et l’intrigue ne s’en retrouverait pas bouleverser. Si Brooks avait tenté de reprendre contact avec sa mère, là cela aurait avoir son importance. En dévoilant cette partie de l’histoire du personnage lors d’un rendez-vous avec Celia, cela semble aussi expliquer le changement de sentiment du personnage. Était-ce la seule solution pour faire naitre des sentiments ? Ajouter un traumatisme au personnage était le seul moyen de le rendre attachant ? Cela semble plutôt être un raccourci scénaristique pour un personnage sans aucune particularité.
Lors d’une fête, Brooks et Celia mangent de la glace, et celle-ci choisit la glace vanille, le goût le plus banal – d’après les mots de Brooks. Elle compare la saveur au garçon, et cela suffit sûrement à résumer le problème du film. Pour parler de l’acceptation de soi et la quête d’identité, il faut une identité, il faut quelque chose à accepter. Brooks n’a qu’une seule façade, et elle parait fausse – puisqu’elle l’est la majorité du film. Lors du final, il choisit de ne pas rejoindre Yale puisqu’il serait accepté sur un mensonge de son entretien, et il s’agit d’un bon message et une bonne résolution pour le film. Et on peut apprécier, la résonnance avec le scandale actuel des acceptations payées dans les grandes universités américaines. Mais on ne sait toujours pas ce que Brooks apprécie, ce qu’il veut faire à l’université… On ne sait que ce que le film nous répète : Brooks est un bon élève, vivant sans sa mère, et avec peu de revenu. L’insistance sur le statut financier de Brooks se comprend à cause des frais hallucinants des universités américaines, mais apparait parfois déplacé. Cela devient presque une des caractéristiques du personnage, une part de sa personnalité, à défaut de profondeur. Mais peut-être cela provient-il plutôt d’une part de la culture américaine qui ne peut nous être totalement comprise.

Ainsi, The Perfect Date aborde une histoire originale, en utilisant la technologie d’aujourd’hui sans la diaboliser ou la moquer, avec cette application qui permet à Brooks de se chercher. Cependant, au milieu de tous ces mensonges et différentes identités, le film oublie de trouver celle du personnage principal. Ce manque n’aide pas à espérer pour le couple. Ce défaut de personnalité semble d’ailleurs toucher la plupart des personnages avec Celia, par exemple, qui se cache derrière du sarcasme et ne se révèle jamais vraiment. Et surtout, le petit ami de Murph symbolise le mieux le problème du film. Sans nom, sans personnalité, presque sans parole, et pourtant, on attend de nous un intérêt pour lui.
Le thème de la quête d’identité convient bien pour un film visant un public jeune avec une portée presque de coming-of-age, cependant le scénario dilué utilise mal les bons ingrédients.