Après le succès critique et commercial du film Le Prénom en 2012, le duo Matthieu Delaporte/Alexandre de La Patellière revient avec Le Meilleur Reste à Venir, un film plus modeste mais aussi plus personnel autour d’un sujet difficile : la mort (rien que ça !). Sans jamais être larmoyant, le scénario vise très juste en axant l’histoire sur deux amis d’enfance que tout sépare et qui vont être confrontés de près ou de loin à un décès. Cette comédie rafraîchissante et pétillante est menée d’une main de maître par deux grands acteurs du cinéma français, Fabrice Luchini et Patrick Bruel. Quel plaisir de pouvoir enfin apprécier une comédie dramatique sans prétention qui tombe à point nommé dans le paysage cinématographique français. Son efficacité redoutable lui permet de remplir aisément son cahier des charges : nous faire rire et nous émouvoir de la première à la dernière seconde. Et c’est déjà beaucoup !
Avec Le Prénom, on a vécu une aventure formidable, avec une pièce qui était pleine partout, qui a été jouée dans le monde entier, suivie du film qui a eu un immense succès. Mais dans le même temps on a vécu la maladie et le décès de notre amie Valérie Benguigui. Ça nous a bouleversés. D’un côté on avait ce dont on avait toujours rêvé, de l’autre on traversait un moment très douloureux qui nous a beaucoup interrogés sur la vie. Et on a eu envie d’écrire là-dessus.
LUBITSCH vs. Sautet
Dans la plus grande tradition des histoires construites sur un duo, Matthieu Delaporte et Alexandre de La Patellière reprennent un schéma des plus classiques. Suite à un énorme malentendu, deux amis d’enfance, Arthur Dreyfus (Fabrice Luchini), un médecin méticuleux et maniaque dont la vie est triste à en mourir, et César Montesiho (Patrick Bruel), un dandy qui aime profiter de la vie, décident de tout plaquer pour rattraper le temps perdu et ainsi partager des instants inoubliables, chacun des deux étant persuadé que l’autre n’a plus que quelques mois à vivre. Exit la réalité de la situation : le film ne prétend pas au vague réalisme auquel nous a habitué tout un pan du cinéma de papa, mais bien plutôt des grandes heures de la comédie américaine traditionnelle. Le Meilleur Reste à Venir lorgne bien plutôt du côté de Lubitsch que de Claude Sautet ou d’Yves Robert.
On aime qu’il y ait des virages narratifs comme chez Lubitsch, Capra, Hawks ou Cukor. Quand on écrit on ne se dit pas « je vais écrire comme » mais on cherche à trouver son style et à creuser quelque chose que personne n’a fait. C’est très aléatoire.
En optant pour le genre du « film-de-potes-que-tout-oppose » à la Francis Veber, les cinéastes livrent une réflexion intéressante sur la frontière entre l’amitié, l’amour, et surtout le refoulement des sentiments. La mise en scène se révèle dans l’ensemble inspirée, à l’image de cette belle séquence où les deux personnages principaux se retrouvent à Biarritz. Pour une fois, les deux compères « réalisateurs » relèguent une partie de leur scénario au hors-champ et invitent le spectateur à se questionner sur la situation. « Et vous, que feriez-vous si vous deviez annoncer la mort de l’un de vos proches ? Comment réagiriez-vous si vous l’appreniez ? Est-ce que le mensonge serait justifié ? ». Le fameux moment de vérité du film, lui aussi, ne sera jamais vraiment entendu, alors qu’il est l’élément perturbateur, le point névralgique des questionnements des deux protagonistes. Difficile de ne pas éprouver immédiatement de l’empathie pour le tandem Arthur/César. Les dialogues, souvent drôlissimes, y sont sûrement pour quelque chose puisqu’ils fusent de toutes parts. Le récit, comme souvent chez le duo Delaporte/de La Patellière, parsemé de clins d’œil cinéphiles, contient des mises en abyme futées, et un discours qui prône un véritable amour du cinéma des genres.

© Mika Cotellon
Un ascenseur émotionnel
Sa grande qualité, le film la doit aussi à son rythme soutenu quasi permanent, qui parvient à ne jamais décroître grâce à un scénario plus écrit et plus adapté pour le cinéma. Du côté de la mise en scène en revanche, rien d’original. Si chaque séquence s’avère redoutablement efficace avec un bon dosage d’effets comiques et dramatiques, en revanche, les abus de séquences clippées masquent difficilement une faiblesse de la réalisation, plombée par un dénouement mal amené. En effet, le duo joue trop sur la corde sensible avec en prime une musique surabondante et démonstrative, sans cependant affecter la qualité de l’ensemble. Le duo Delaporte/de La Patellière fonctionne à merveille en nous offrant, comme toujours, un scénario savoureux gorgé de mots et de phrasés savants défendus par deux interprètes inspirant rien de moins que de l’honnêteté.

© Mika Cotellon
Oui, affirmons-le d’emblée, l’élément essentiel pour que la sauce prenne dans ce genre de comédie, reste le choix des deux interprètes principaux. Delaporte et de La Patellière ont eu la bonne idée de réunir le duo Fabrice Luchini et Patrick Bruel qui, pour le plus grand plaisir des spectateurs, s’avère au meilleur de sa forme, prenant ainsi énormément de plaisir à savourer littéralement les dialogues intelligemment écrits. La direction d’acteurs sous l’œil averti de Delaporte et de La Patellière est, comme à son habitude, impeccable, que ce soient les têtes d’affiche comme les seconds rôles. Luchini, tout en énergie et en modestie (pour une fois !), crève l’écran tout comme son acolyte Bruel qui fait montre d’une palette de jeu encore jamais atteinte. Mais celle qui, en l’espace de quelques scènes, emporte l’adhésion jusqu’à nous faire monter les larmes aux yeux, c’est bien Zineb Triki, aperçue dans La lutte des classes (Michel Leclerc, 2019), qui joue ici une femme soutenant les patients atteints d’un cancer. Enfin, les seconds rôles répartis autour des personnages principaux apportent un semblant de substance à l’histoire et surtout de vérité pour une vision plus optimiste sans pour autant être idéalisée. Si le film à la fois touchant et léger sur un sujet difficile n’évite certes pas les clichés ni certains effets poncifs, c’est au contraire pour mieux laisser les réalisateurs en user avec habileté afin de nous toucher et nous émouvoir tout simplement, ménageant au passage de belles surprises d’humour et de drôlerie servies par un casting brillamment choisi.
Rire de ce qui nous fait peur est un réflexe d’autodéfense. Et tout l’enjeu, c’était de faire un film qui ressemble à la vie. Dans notre quotidien, on traverse des ascenseurs émotionnels très forts. Alors pourquoi la comédie en serait-elle privée ?
Le Meilleur Reste à Venir (2019 – France) ; Réalisation et scénario : Matthieu Delaporte et Alexandre de La Patellière. Avec : Fabrice Luchini, Patrick Bruel, Zineb Triki, Pascale Arbillot, Marie Narbonne, Jean-Marie Winling, André Marcon et Thierry Godard. Chef opérateur : Guillaume Schiffman. Musique : Jérôme Rebotier. Production : Dimitri Rassam. Format : 2,00:1. Durée : 117 minutes.
En salle le 4 décembre 2019.
Copyright photo de couverture : Mika Cotellon